LA NAVIGATION

EN SOLITAIRE

A la base, rien ne me prédestinait à naviguer en solitaire, j'ai beaucoup navigué en duo avec mon fils ou avec des copains et j'ai adoré. Quand nous étions en famille, c'était super aussi même si mon épouse est sujette au mal de mer de façon récurrente et n'a donc jamais vraiment apprécié y compris dans des endroits paradisiaques.

Je suis venu à la nav solo plutôt par obligation, mon fils était parti vers d'autres horizons, les copains bossaient et je me retrouvais seul pendant mes congés. Je louais un petit voilier en Octobre ou début Novembre chaque année et partait sillonner le pertuis ou la Bretagne sud. A l'époque (il y a environ vingt-cinq ans) un départ de la Rochelle pour l'ile d'Yeu , Belle Ile ou Groix était une véritable expédition pour moi. Je la préparais plusieurs semaines à l'avance. Nous n'avions pas de GPS, encore moins de traceur et naviguions à l'ancienne en prenant la météo à la radio la veille, à la capitainerie le matin avant chaque départ puis à la VHF dans la journée. Tout était calculé et anticipé J'adorai ça et suis devenu accroc.

J'ai osé rentrer une première fois de nuit, d'abord à la nuit tombante, puis de plus en plus tard, puis effectué des nuits complètes en mer sans AIS à l'époque bien sûr. C'était et c’est toujours magique.

A cette époque, je rêvais tout éveillé à des navigations lointaines mais c’était juste un rêve, ça n'était pas pour moi. Jamais de la vie je ne pensais pouvoir faire une transat solo encore moins un tour du monde et pourtant...

J'ai acheté mon premier voilier en 2015, mis à l'eau en 2016. Naviguer sur des bateaux de location, en stage ou avec des copains n'a rien à voir avec le fait naviguer sur son propre navire.

Le plaisir mais les galères aussi (surtout avec un vieux bateau en bois) sont décuplés.

Ou tu apprends très vite, ou tu baisses les bras très vite. Je n'ai pas baissé les bras et mon petit bateau « Rêve de Gosse » m'a beaucoup apporté et a surtout été la clé de l’accomplissement de mes rêves.

Je navigue donc en solo depuis pas mal d'années. Je n’ai pas à gérer l'équipage et ne m'en prends qu’à moi-même en cas de connerie. Je suis seul en cas de problème et j'en suis parfaitement conscient. Je dois pouvoir réparer ou me passer du moindre équipement lorsque celui-ci est défaillant. Le défi est différent si tu te trouves au large de Belle Ile, au milieu de L'Atlantique ou au milieu de l'océan Indien ou du Pacifique dans les quarantièmes.

Mais le défi n'est-il pas justement notre moteur?

Un nouveau souvenir me vient à l'esprit.

C'était lors de ma transat retour le 03 juin2023 en plein milieu de l'Atlantique Nord.

Position 48° N - 42° Ouest. 5°C de température extérieure. Chauffage en panne, vérin de pilote HS, je venais de subir une nuit difficile avec un coup de vent de Nord, j'avais déchiré mon génois et cassé l'axe de liaison de l'aérien de mon régulateur d'allure. J'étais complètement frigorifié, le moral dans les chaussettes et envisageait sérieusement de faire demi-tour pour rentrer sur Halifax.

Avec l’énergie du désespoir, j'ai réussi à bloquer l'aérien du régulateur avec deux petits sandows, j'ai affalé le génois déchiré et renvoyé un vieux génois de secours et suis reparti au près plein Sud-Ouest bâbord amure car j'avais à nouveau des vents de face plein Est.

Vous ne pouvez pas imaginer le bonheur jubilatoire que j'ai éprouvé lorsque j'ai vu que j'avais surmonté une difficulté de plus et repris la route vers la maison.

C'est ça la nav solo, aucun droit à l'erreur ou tu payes cash mais si tu réussis, c'est un véritable bonheur.